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DÉCOUVRIR Hommage à Delphine BONIFAS
Madame RIGAULt Adjoint au Maire chargée
de la communication,
politique culturelle et jumelage
Une famille Villabéenne « Attention, on ne bouge plus ! ». Clic le petit bruit
métallique libère la famille qui reprend aussitôt le
Eliette court à toutes jambes, Dédé a cours de sa vie.
gagné hier, elle est arrivée la première à
la maison mais aujourd’hui, la petite fille Septembre 1931, Louise est sur le point de donner
a ses chances, sa sœur n’est pas encore naissance à son septième enfant. Elle a 40 ans. Le
devant ! mois prochain, cela fera 20 ans qu’elle s’est mariée
avec Alfonse dans l’église Saint Marcel, juste en
Paul pleure, il a beau crier « Attendez-moi ! » face de la petite maison où ils vivent depuis. Cet
ses sœurs sont déjà loin. Marie-Louise le homme à chapeau melon qui est venu la photo-
rejoint. Du haut de ses 13 ans c’est une graphier avec sa famille ne fait que saisir un instant,
grande sœur attentive, elle lui sourit. Paulo a mais, que fait-il de ces vingt années de vie ? C’est
frotté ses yeux de ses petits doigts tachés à cela que Louise songe, elle en oublie de sourire.
d’encre. Maternelle, elle essuie tout ensemble
larmes et encre sur les joues du petit garçon
avec son mouchoir humecté à la borne-fon-
taine. Papa lui a expliqué que c’est Monsieur
Darblay qui les a faites installer dans le village.
C’est le propriétaire de la papeterie où papa tra-
vaille, c’est lui qui a fait construire les immeubles
flambants neufs de la côte, pour ses ouvriers.
Les deux enfants débouchent du Pâtis et s’enga-
gent vers la place de la Croix, passent devant l’épi-
cerie puis la boucherie, Léon, le maréchal-ferrant
envoie toujours à Paul une brocarde. Il l’aime bien,
lui aussi il sera maréchal-ferrant quand il sera grand
se dit l’enfant ! La maison est juste un peu plus bas,
face au café-épicerie de l’Eglise.
Voilà maman qui revient justement du lavoir. Le Aimée est née l’année suivant leur mariage, en
panier chargé de linge semble bien lourd, et le gros 1912. Deux ans plus tard, nait Louisette mais le bébé
ventre rond de Louise prend de plus en plus de ne vivra que quelques semaines, Louise l’a décou-
place ! Marie-Louise se précipite pour aider sa verte sans vie un matin de mai 1914. Le deuil ne
maman. « Tu es bien mignonne ma Marinette ». sera pas long car une autre épreuve attend le cou-
Petit Paul gambade gaiment derrière elles en chan- ple, comme des millions d’autres familles de France
tonnant sa leçon de morale du jour « La morale et d’Europe. Le 1er août, les cloches de Saint Marcel
nous fait connaître nos devoirs et nous apprend à couvrent la campagne et mêlent leur bien lugubre
les remplir. Elle nous indique ce que nous devons tocsin à celui des clochers environnants.
faire ou éviter pour rester bons et honnêtes. »
Elliette et Andrée sont arrivées depuis un petit Alfonse a 36 ans, il part se battre, il aura plus de
moment et l’ainée semble fâchée d’avoir perdu sa chance que d’autres du village, il reviendra, blessé,
course, ça oui ! Elle est sacrément contrariée ! De meurtri, mais il reviendra.
l’autre côté de la rue Gabriel Péri, papa sort de Marie-Louise naît en 1918, puis viennent Andrée en
l’épicerie en compagnie d’un monsieur qui tient 1922, Elliette en 1923 et puis Paul en 1925 et enfin
une drôle de boîte à soufflet, Marinette en a Maurice en 1931, quelques semaines après que
cette photographie soit faite.
déjà vu, c’est une machine à prendre des
images. Alfonse a boutonné son pardessus et Alfonse et Louise depuis leur mariage, le 7 octobre
mis une cravate, il rassemble sa petite famille 1911 jusqu’à leur mort en 1960 et 1961 ont vécu
dans cette maison, 2 rue Pierre Curie. Ils y ont élevé
fièrement, maman range ses cheveux à la
hâte et Marinette époussette son sarreau. Il
faut sourire pour la photographie, Paulo
est intimidé, il cherche la main de sa
sœur, jamais bien loin. Elliette repense à
sa victoire et Andrée à sa défaite.
VILLAB’ÉCHO N°3 P. 14