Page 14 - Villab-Echo-2014-N03
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DÉCOUVRIR  Hommage à                                                                    Delphine BONIFAS
           Madame RIGAULt                                                    Adjoint au Maire chargée

                                                                                   de la communication,
                                                                       politique culturelle et jumelage

                        Une famille Villabéenne                        « Attention, on ne bouge plus ! ». Clic le petit bruit
                                                                       métallique libère la famille qui reprend aussitôt le
                         Eliette court à toutes jambes, Dédé a         cours de sa vie.
                         gagné hier, elle est arrivée la première à
                        la maison mais aujourd’hui, la petite fille    Septembre 1931, Louise est sur le point de donner
                       a ses chances, sa sœur n’est pas encore         naissance à son septième enfant. Elle a 40 ans. Le
                       devant !                                        mois prochain, cela fera 20 ans qu’elle s’est mariée
                                                                       avec Alfonse dans l’église Saint Marcel, juste en
                     Paul pleure, il a beau crier « Attendez-moi ! »   face de la petite maison où ils vivent depuis. Cet
                    ses sœurs sont déjà loin. Marie-Louise le          homme à chapeau melon qui est venu la photo-
                   rejoint. Du haut de ses 13 ans c’est une            graphier avec sa famille ne fait que saisir un instant,
                  grande sœur attentive, elle lui sourit. Paulo a      mais, que fait-il de ces vingt années de vie ? C’est
                 frotté ses yeux de ses petits doigts tachés           à cela que Louise songe, elle en oublie de sourire.
                d’encre. Maternelle, elle essuie tout ensemble
                larmes et encre sur les joues du petit garçon
               avec son mouchoir humecté à la borne-fon-
              taine. Papa lui a expliqué que c’est Monsieur
             Darblay qui les a faites installer dans le village.
            C’est le propriétaire de la papeterie où papa tra-
           vaille, c’est lui qui a fait construire les immeubles
           flambants neufs de la côte, pour ses ouvriers.

           Les deux enfants débouchent du Pâtis et s’enga-
           gent vers la place de la Croix, passent devant l’épi-
           cerie puis la boucherie, Léon, le maréchal-ferrant
           envoie toujours à Paul une brocarde. Il l’aime bien,
           lui aussi il sera maréchal-ferrant quand il sera grand
           se dit l’enfant ! La maison est juste un peu plus bas,
           face au café-épicerie de l’Eglise.

           Voilà maman qui revient justement du lavoir. Le             Aimée est née l’année suivant leur mariage, en
           panier chargé de linge semble bien lourd, et le gros        1912. Deux ans plus tard, nait Louisette mais le bébé
           ventre rond de Louise prend de plus en plus de              ne vivra que quelques semaines, Louise l’a décou-
           place ! Marie-Louise se précipite pour aider sa             verte sans vie un matin de mai 1914. Le deuil ne
           maman. « Tu es bien mignonne ma Marinette ».                sera pas long car une autre épreuve attend le cou-
           Petit Paul gambade gaiment derrière elles en chan-          ple, comme des millions d’autres familles de France
           tonnant sa leçon de morale du jour « La morale              et d’Europe. Le 1er août, les cloches de Saint Marcel
           nous fait connaître nos devoirs et nous apprend à           couvrent la campagne et mêlent leur bien lugubre
           les remplir. Elle nous indique ce que nous devons           tocsin à celui des clochers environnants.
           faire ou éviter pour rester bons et honnêtes. »
           Elliette et Andrée sont arrivées depuis un petit            Alfonse a 36 ans, il part se battre, il aura plus de
           moment et l’ainée semble fâchée d’avoir perdu sa            chance que d’autres du village, il reviendra, blessé,
            course, ça oui ! Elle est sacrément contrariée ! De        meurtri, mais il reviendra.

             l’autre côté de la rue Gabriel Péri, papa sort de         Marie-Louise naît en 1918, puis viennent Andrée en
              l’épicerie en compagnie d’un monsieur qui tient          1922, Elliette en 1923 et puis Paul en 1925 et enfin
               une drôle de boîte à soufflet, Marinette en a           Maurice en 1931, quelques semaines après que
                                                                       cette photographie soit faite.
                déjà vu, c’est une machine à prendre des
                 images. Alfonse a boutonné son pardessus et           Alfonse et Louise depuis leur mariage, le 7 octobre
                   mis une cravate, il rassemble sa petite famille     1911 jusqu’à leur mort en 1960 et 1961 ont vécu
                                                                       dans cette maison, 2 rue Pierre Curie. Ils y ont élevé
                    fièrement, maman range ses cheveux à la
                      hâte et Marinette époussette son sarreau. Il
                        faut sourire pour la photographie, Paulo
                         est intimidé, il cherche la main de sa
                           sœur, jamais bien loin. Elliette repense à
                             sa victoire et Andrée à sa défaite.

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